Terre De Feu (Argentine) - 15/12/07 au 6/1/08

Samedi 15 décembre 2007, persuadés que les passages de douane se font rapidement dans le sud, nous arrivons tranquillement au poste de douane. Nous ouvrons la porte et sommes envahis par une vague de chaleur et de bruit. L'endroit est bondé. Il y a tellement de monde que nous avons besoin de quelques minutes pour trouver le début et la fin de la file. Et pour cause, la file est en colimaçon. Il faut faire deux fois le tour d'une pièce pour ensuite continuer l'attente dans la prochaine pièce. Finalement, cette attente durera trois heures!



Les formalités pour sortir de l'Argentine terminées, nous nous rendons à la douane chilienne, deux kilomètres plus loin. Heureusement, le monde s'est dispersé et il ne nous faut qu'une demi-heure pour sortir des bureaux et pour passer le contrôle sanitaire. Mais nous avons pris beaucoup de retard sur notre planning. Il est déjà 13 heures et nous n'avons parcouru que 10 kilomètres! Il nous reste encore un ferry à prendre et 215 kilomètres à faire au Chili, dont 125 kilomètres de piste, avant d'arriver aux postes de douane pour repasser en Argentine. Quelle bêtise, être obligé de passer par le Chili, et donc de répondre à toutes les formalités administratives, pour arriver à Ushuaia, situé en Argentine. Arriverons-nous en territoire argentin encore ce soir? Nous avons un grand avantage, il fait clair jusqu’après 22 heures.



Heureusement, nous ne devons attendre que quelques minutes pour monter sur le ferry. Les véhicules stationnés devant nous montent facilement, mais leur arrière, nettement plus court que le nôtre, passe à peine à quelques centimètres des ponts placés entre la berge et le bateau. Je descends d'Idéfix pour vérifier le porte-à-faux mais un homme nous fait signe d'attendre. A notre grande surprise, le bateau recule de quelques mètres vers la berge, ce qui rend le creux moins important. Damien avance tout doucement. Idefix passe et caresse gentiment le sol avec son porte-à-faux. Je fais signe au capitaine en guise de remerciement pour sa marche arrière. Nous traversons le Détroit de Magellan, le fameux passage qui relie l'Océan Atlantique à l'Océan Pacifique, découvert par Magellan en 1520.

Nous voilà en Terre de Feu. Les paysages sont très beaux, tout est d'un vert clair, la route longe une rivière où guanacos, moutons et vaches viennent assouvir leur soif.
Après plus de trois heures de piste nous arrivons à la frontière. Ce soir, nous avons plus de chance que ce matin, les passages de douane se font rapidement. Il est 19 heures lorsque nous sommes à nouveau en pays argentin. Nous prenons notre courage à deux mains et roulons encore 80 kilomètres pour passer la nuit à Rio Grande.



Dimanche 16 décembre 2007, aujourd’hui, le réveil ne sonnera pas. Après une belle grasse matinée et un bon petit déjeuner, nous fabriquons pour les enfants un petit bateau avec des déchets de bois traînant sur le terrain de camping.
La ville de Rio Grande n’a rien de très intéressant à nous offrir, si ce n’est un garage FIAT auquel nous comptons nous rendre demain matin.

Lundi 17 décembre 2007, le garagiste ne peut pas nous prendre tout de suite. Nous aurions voulu lui demander de vérifier si le problème de notre amortisseur – pourtant solutionné depuis Cordoba – n’est pas en train de refaire surface. Tant pis, nous repasserons peut-être dans quelques semaines, lorsque nous remonterons vers le nord. Entre-temps, continuons notre descente vers le sud.

Ce soir nous bivouaquerons à Cabo San Pablo, une petite excroissance de la ligne côtière, au pied d’une épave de bateau. Pour la rejoindre, nous prenons une piste qui nous mène d’une estancia à l’autre. La piste traverse une zone très boisée où de nombreux arbres sont renversés par le vent. Des centaines de branches mortes jonchent le sol. Sur les rivières que nous longeons, des castors ont édifié des dizaines de barrages. La vue sur la mer, souillée par une épave néanmoins impressionnante, nous surprend une fois de plus.



Nous garons Idéfix près d’une petite rivière au pied d’un pont dont les poutres en bois sont toutes vermoulues. Il fait incroyablement calme. Les enfants partent jouer dehors et imitent les castors en essayant de construire un barrage sur la rivière.
En fin de soirée, deux agents de police viennent nous demander si tout va bien. Ils travaillent au petit poste de police le long de la piste et n’ont sans doute rien d’autre à faire que de patrouiller dans le coin.



Mardi 18 décembre 2007, la brume peine à se dissiper. Il pleut et tout est boueux. Nous levons le camp et prenons la route pour Tolhuin.
Nous faisons un saut à la panaderia renommée de Tolhuin, puis nous nous installons dans un camping au bord du lac Fagnano. Par temps clair nous devrions avoir une superbe vue sur le lac et les montagnes enneigées situées de l’autre côté, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Cette constatation faite, je me prépare à brancher l’électricité. Horreur ! J’ai dû mal fermer la trappe de rangement, car je m‘aperçois qu’elle est ouverte et que notre câble électrique a disparu. Il a dû tomber pendant que nous roulions.

Ne sachant pas si nous pourrions trouver en Argentine un nouveau câble avec une pièce de connexion similaire, nous voulons absolument tenter de le retrouver. Alors que je pousse toujours de gros jurons, le sixième sens de Sophie produit déjà la première idée vers une solution. Nous roulons alors jusqu’au bureau de police de Tolhuin et demandons aux agents s’ils peuvent contacter leurs collègues de Cabo San Pablo par radio. Les collègues répondent et confirment qu’ils nous connaissent parce qu’ils nous avaient parlés hier soir. Ils promettent de faire un tour à l’endroit où nous avons passé la nuit et ils nous préviendront s’ils ont trouvé quelque chose. Super ! Nous pouvons donc rentrer tranquillement au camping sans avoir à refaire la route et la piste jusqu’au cabo.

Deux heures plus tard, la police de Tolhuin fait irruption au camping. Ils nous signalent que leurs collègues ont retrouvé notre câble après avoir interrogé un camionneur qui l’avait ramassé par terre, au bord de la piste. Mais comment pouvons-nous le récupérer ? Ils nous proposent gentiment de nous retrouver au croisement entre la piste et la route asphaltée. Génial, ceci nous évite de faire les 35 kilomètres de piste aller-retour. Incroyablement charmant !

Mercredi 19 décembre 2007, nous passons à la panaderia afin d’y acheter quelques sucreries pour nos amis policiers. A l’heure du rendez-vous, nous retrouvons les deux agents de Cabo San Pablo et ils nous remettent notre câble. D’abord, ils refusent notre petit cadeau. Comme nous insistons, ils finissent par l’accepter. "Muchas gracias seniores !"

Jeudi 20 décembre, des lacs, des rivières, des bois, des montagnes enneigées résument grossièrement la nature de la Terre de Feu. Une chose étrange nous frappe. De nombreux arbres ont des barbes! De la cime, en passant par leurs branches et jusqu'au tronc, les arbres présentent, hormis leur feuillage, des tiges ou plutôt des pousses, parfois si longues qu'on dirait des barbes. Au départ, nous craignons que ce soit un parasite, mais après renseignement, nous apprenons que c'est un signe d'air pur. Plus l’air est pur, plus il y en a. Mais il y a également des parasites, de forme ronde et orange, sur quelques arbres. Ces derniers repoussent ces "étrangers" en formant de grosses excroissances.



Nous arrivons à Ushuaia en milieu d'après-midi. Nous sommes à cinq jours de Noël et il n'y a aucune décoration en rue. Dans les autres villes que nous avons croisées les jours précédents non plus d'ailleurs. Nous n'apercevons que rarement les couleurs de quelques boules ou d'autres décorations de Noël derrière la fenêtre d'une maison.
Ushuaia, ville la plus au sud? Pas sûr, mais bon. Nous nous trouvons néanmoins à seulement 1000 kilomètres de l'Antartique. Il suffit de regarder vers le sud et d'imaginer au-delà du Canal de Beagle et au-delà des dernières montagnes de la Cordillère des Andes, une grande étendue de glace. Ce n'est pas très loin.



Vendredi 21 décembre au mercredi 26 décembre 2007, au camping "La Pista Del Andino", nous retrouvons, comme prévu, de nombreux voyageurs rencontrés dans d'autres pays ou dans d'autres villes d'Argentine: Dominique et Diane (canadiens vus à Salta), Marie et Marcel (suisses vus à Cusco et sur la côte est argentine), Karin-Marijke et Coen (hollandais rencontrés à Salta), Ruth et Peter (suisses rencontrés à Cusco et à Salta), et beaucoup d'autres encore. Nous faisons également la connaissance de Yann et Géraldine, deux jeunes français voyageant dans un vieux fourgon Citroën, et les "sélénites", famille française qui cherche également un cargo pour l'Australie.



Nous retrouvons un peu l'ambiance de Salta. En journée, chacun fait ce qu'il lui plaît et le soir, nous nous retrouvons pour l'apéro, nous cuisinons chacun notre popote et continuons à bavarder tout en mangeant. Tous les soirs il est tard car nous ne nous rendons pas compte du temps qui passe. Non seulement parce que nous sommes en bonne compagnie mais aussi parce qu'il fait clair jusque passé 23 heures.
Le réveillon de Noël s'organise petit à petit. Des voyageurs ont un vieux spi de bateau que nous allons accrocher entre nos véhicules en cas de pluie. Il vaut mieux prévoir car depuis que nous sommes en Terre de Feu, la pluie nous a salués tous les jours. D'ailleurs, Yann et Pauline ont baptisé la Terre de Feu, Terre de Pluie.

Le 24 au soir, la simplicité et la convivialité sont au rendez-vous. Petit à petit des personnes arrivent et déposent leurs plats et bouteilles sur les tables. Finalement, nous avons un "walking diner" avec un superbe buffet international: chile con carne des british, salades et gâteaux des écossais, lasagne aux fruits de mer de Martin, le canadien, brochettes de poulet de Dom et Diane, Steve, backpacker allemand, a apporté un assortiment de zakouskis, asado de légumes des belges (nous), anchoyade des français, Nanou et Denis, crêpes salées et sucrées de Yann et Géraldine et tout cela suivi d'un arc-en-ciel de desserts.

La soirée se termine par des chants autour du feu de camp. Damien gratte la guitare et nous fait chanter LA chanson qu'il a écrite pour Ushuaia.
La soirée se termine par une ambiance très chaleureuse.



Jeudi 27 décembre 2007, la Ruta 3 débute à Buenos Aires, longe toute la côte et finit ici, au Parc National Tierra Del Fuego, 20 kilomètres à l'ouest d'Ushuaia. Cette route, nous l'avons adorée car elle nous a emmenés jusqu'aux nombreux animaux marins que nous avons pu découvrir, cette route, nous l'avons méprisée lorsqu'elle ne nous donnait comme seul paysage que la pampa pendant des centaines de kilomètres, cette route, nous l'avons détestée avec ses rafales de vent impressionnantes, cette route, finalement, nous a conduits jusque "au bout du monde".



Il est temps de visiter les alentours d’Ushuaia. Martin monte à bord d’Idéfix et nous formons un petit convoi avec le camping-car des "sélénites" pour nous rendre au Parc National de la Terre de Feu.
Le parc est très joli et propose plusieurs petits sentiers de randonnée. Nous établissons notre campement au bord d’une petite rivière. Les enfants partent pêcher avec Timothée et Océane. Une heure plus tard, ils reviennent bredouilles.

Les randonnées sont agréables. Elles nous mènent d’abord vers une lagune, "la lagune noire", à laquelle le fond de tourbe donne sa couleur et son nom. Ensuite, elles nous mènent vers la fin de la ruta 3, là où la route s’arrête net devant le Canal de Beagle. Finalement, elles nous font découvrir les plages de sable et de galets qui longent le canal.



Après deux nuits passées dans le parc, nous retournons au camping d’Ushuaia, non pour prendre une douche bien chaude car celles-ci y sont difficiles à obtenir, mais pour préparer les festivités de fin d’année.

Lundi 31 décembre 2007, dernier jour de l'an. A minuit nous entamerons une nouvelle année, une fête s'impose donc. Nous avons opté pour la même formule que celle du réveillon de Noël. En début de soirée, tout le monde arrive avec de délicieux petits plats. Martin, Yann et Coen préparent un feu de bois pour les pizzas et le four d’Idéfix chauffe à fond pour gratiner les toasts au roquefort et champignon apportés par les sélénites. Une fois de plus, nous avons un superbe buffet.

Les hommes ont trouvé le moyen d’avoir de la musique et Coen a préparé un mixe des années 80 sur son ordinateur. L'ambiance est au rendez-vous, ça swing, ça chante et ça rit.
Le soleil patagonien vient juste de se coucher lorsque nous faisons sauter les bouchons de champagne. Happy New Year! Nous nous souhaitons à peu près tous la même chose: une bonne santé et surtout une bonne continuation dans le périple entamé.



Mercredi 2 janvier 2008, il y a d'autres villes ou villages en Argentine qui se situent plus au sud qu'Ushuaia. Entre autre, Haberton, ou la Estancia Haberton. C'est notre prochaine étape.
Nous entrons dans un paysage vallonné. Aux sommets des petites collines, des arbres patagoniens, malmenés par le tout puissant et incessant vent d'ouest, ont poussé dans la direction du vent. De l'autre côté du Canal de Beagle nous apercevons Puerto Williams, la ville chilienne qui se prétend être la ville la plus australe du monde.



Nous dépassons Estancia Haberton et continuons notre route vers Moat. Nous traversons quelques ponts dans un état douteux. Soudain nous voyons du rouge qui bouge. Ah, c'est Coen et Martin qui nous font signe de nous arrêter. Ils nous proposent de bivouaquer avec eux, ils auraient trouvé un très bel endroit. Le seul hic est qu'ils roulent avec un 4x4 et nous pas. Coen nous rassure que si nous nous embourbons, il pourra nous sortir de là.

Dom et Diane, ne nous voyant pas arriver à Moat, rebroussent chemin. Nous les apercevons de loin et courons pour leur indiquer que nous sommes là. Dom et Diane, contrairement à nous, ne viennent pas d'abord analyser le terrain. Dom fonce tout de suite vers nous. Il prend n'importe quelle direction. Nous les voyons tous les deux faire des bonds de 10 centimètres dans leur camionnette et celle-ci avance cohue-cohant et sautant dans tous les sens. Karin et moi sommes prises d'un fou rire.



Cela fait plusieurs semaines que nous sommes en Terre de Feu et pourtant, tous les soirs, nous nous émerveillons de l'heure tardive du coucher du soleil. Les hommes préparent un feu de camp, les femmes le souper. Nous passons une délicieuse soirée autour du feu.
L'endroit est tranquille et magnifique. Les arbres morts donnent au paysage un aspect un peu fantomatique et étrange. Nous sommes en latitude Sud 54°...



Jeudi 3 janvier 2008, au réveil, quelle surprise lorsque nous levons les stores d'Idéfix, au loin, nous apercevons un troupeau de chevaux qui galopent au bord du canal. Quelles belles images avec l'eau et les montagnes en arrière-plan. L'endroit est si calme, si paisible que tout le monde opte pour y passer une journée et une nuit de plus. Entre temps, les chevaux s'approchent de nos véhicules. Coen emmène Pauline pour les observer de plus près. Les chevaux semblent attirés par Pauline et s'en approchent. Elle résiste à ne pas prendre ses jambes à son cou et reste calmement près de Coen. Yann joue avec Karin au jeu "Les Colons de Catane". Le restant de la journée, chacun fait ce qu'il lui plaît et toujours dans le silence. Quel bonheur.

Nous partons nous promener le long du Canal de Beagle. Une fois de plus, nous sommes fascinés par la diversité, en formes et en couleurs, des nuages dans ce coin du bout du monde.
Des centaines de branches d'arbres morts, polies par le sable et rendues grises par le sel, tapissent la plage le long du canal. Nous en ramassons un peu pour le feu de ce soir.



En fin de journée, Yann et Pauline scient du bois avec Coen.
Nous profitons beaucoup de ce bel endroit, nous mangeons tous autour du feu de camp, assis sur un tronc d'arbre ou dans un hamac et nous bavardons jusqu'aux petites heures.



Vendredi 4 janvier 2008, nous nous quittons et reprenons la route. Il y a de fortes chances que nous nous retrouvons ce soir à Rio Grande. Nous quittons tous la Terre de Feu. La route est longue mais bonne.
Arrivés à Rio Grande, nous faisons quelques achats et cherchons un endroit où capter du wifi. En début de soirée, nous nous rendons au seul camping de Rio Grande. Et qui retrouvons-nous? Dom, Diane, Coen, Karin et Martin. Petite soirée sympa en perspective avec en prime une excellente douche chaude et une partie de "Colons de Catane".

Dimanche 6 janvier 2008, journée de routes et de pistes, de douanes et de ferry. Nous entamons la même route pour quitter la Terre de Feu, que celle prise pour y arriver il y a deux semaines.
Nous souhaitons arriver ce soir à Punta Arenas. Nous ne prenons pas le ferry à Porvenir mais à Punta Delgada car la traversée y coûte moins cher. De plus, ayant déjà pris ce ferry, nous sommes certains de pouvoir y embarquer sans soucis, malgré le long porte-à-faux.

C’est vers 20 heures que nous arrivons près de Punta Arenas. Nous nous garons en bord de plage peu avant l'entrée de la ville portuaire.