Le Outback et le centre rouge (Australie) - 02/04/2009 au 18/04/2009

Du jeudi 2 avril au lundi 6 avril 2009, en route vers le centre rouge de l'Australie. Le Outback nous attend. Avant d'atteindre Alice Springs au centre du continent, nous avons 2000 kilomètres à parcourir.

Terre rouge, herbes jaunes et vertes, arbres plantés de-ci de-là, une chaleur étouffante, des "road trains", des vaches, des faucons, des villes minières et des prix d'essence qui augmentent au fur et à mesure, sont en grandes lignes le décor de ces journées de route.



Ces grandes plaines, cette longue route où il est rare de croiser un autre véhicule et ces couleurs chaudes de la nature nous captivent néanmoins. Même si tout est beau, calme et paisible, il ne faut pas oublier de prendre de l'essence dès que l'occasion se présente. La distance moyenne entre deux villes est de 120 kilomètres. Nous essayons de nous imaginer comment ce serait de traverser la Belgique du nord au sud en un jour en ne croisant que deux villages... et pour le reste des prairies et des vaches.





D'abord il nous faut donc nous habituer à la chaleur. Il n'est pas question de s'arrêter sur une des aires de repos en fin d'après-midi pour y passer la nuit car celles-ci sont dénuées d''arbres et donc d'ombre. La température extérieure frôle les 40 °C. Nous choisissons nos étapes en fonction des "roadhouses" et petits campings susceptibles de nous offrir un peu d'ombre afin de pouvoir faire l'école le matin sans qu'Idéfix ne devienne un four dès les premiers rayons de soleil. Aussi nous préférons cuisiner sur les barbecues mis à disposition plutôt que de chauffer nos marmites à l'intérieur Idéfix. Et puis, s'il y a moyen de faire un petit plongeon dans une piscine de temps en temps, nous ne refusons pas. Il n'y a pas de mal à se faire du bien.



Sur la Flinders Highway, toujours au Queensland, le paysage est étonnamment vert. Les inondations des derniers mois doivent y être pour quelque chose. Le décor général, sous ce soleil de plomb s'apparente plus à un désert qu'à une vallée fertile.

Le métier de cowboy, ou plutôt de "stockman", est le métier à exercer si on veut habiter la région. Tout ici est en rapport avec l'élevage de bétail. La route est bordée de vaches et d'enclos. Les road trains que nous croisons transportent essentiellement du bétail ou du gasoil. Nous voyons des stockmen poursuivre à cheval leur troupeaux  piétinant la terre rouge dans un nuage de poussière.



Le village de Julia Creek est en effervescence. Demain aura lieu ici le rodéo annuel jumelé avec un triathlon. Les sportifs et les spectateurs enthousiastes convergent vers ici depuis les quatre coins du Queensland. Autant dire tout de suite que nous ne sommes pas seuls ce soir sur le petit camping de Julia Creek.

Le lendemain matin, nous partons très tôt afin de profiter de la fraîcheur matinale. Nous passons par Cloncurry, village d'où a décollé le premier avion de John Flynn, inaugurant ainsi la longue histoire des Flying Doctors. La route traverse à présent des collines de terre rouge et débouche sur la grande ville minière de Mount Isa. La mine de Mount Isa compte parmi les trois plus grandes mines d'argent au monde.



Dans le Outback, les stations services sont dites "roadhouses" et offrent généralement tout ce dont le routier ou le voyageur a besoin en matière de carburant, de fastfood, de bière fraîche, de motel ou de caravan park (camping). L'endroit est généralement peu intéressant et désolé. Mais il y figure clairement une ambiance décontractée. Le roadhouse dans le Outback, c'est comme l'oasis dans le Sahara.
Nous franchissons la frontière de l'Etat du Territoire du Nord. Et de sept! Le décor devient plus aride, la terre plus rouge. Par-ci par-là, un moulin à vent grince de ses pales rouillées au-dessus de l'herbe desséchée.



Idéfix file bon train sur les routes rectilignes où nous croisons une dizaine de véhicules par jour. Des sauterelles viennent par dizaines s'écraser sur le pare-brise et sur le radiateur.

"Three Ways", le carrefour à trois bras, véritable plaque tournante entre Darwin (au nord), Townsville (à l'est) et Adélaïde (au sud). Pour marquer l'importance du lieu il y a tout juste un roadhouse et un monument commémoratif pour John Flynn dans les alentours. Rien d'autre. Nous pensions au moins avoir une petite plaque indiquant Alice Springs 540 km, Darwin 980 km, mais non, rien de tout cela. Nous poursuivons notre route vers le sud.

Les "Devil's Marbles", grands rochers arrondis par l'érosion, forment une petite diversion. Ces "billes géantes" seraient pour les Aborigènes les oeufs du serpent Arc-en-ciel.





Nous roulons jusque tard dans la journée et admirons ainsi le joli jeu de lumière dont le soleil drape le décor de terre rouge et d'herbe sèche et jaune. Nous passons à côté d'une ancienne station de télégraphe, manquons d'écraser un lézard noir et jaune, traversons des territoires aborigènes et arrivons au Ti-Tree Roadhouse juste avant la tombée de la nuit. Ici, des paons, élevés par le gérant de l'établissement, se jettent sur Idéfix pour picorer les sauterelles grillées accrochées au radiateur.





Mardi 7 avril 2009, la roadhouse de Ti-Tree est située en plein milieu du territoire aborigène de la communauté Ahakeye. Quelques familles aborigènes sont attroupées devant une petite épicerie. Nous passons la porte de celle-ci et nous découvrons au fond du magasin une petite galerie d'artisanat. Il y a des peintures, des "tapping sticks" (bâtons qu'ils tapent l'un sur l'autre lors de chants), des bols et des boomerangs réalisés et/ou décorés par les Aborigènes de la communauté. Yann s'intéresse de près aux didgeridoos qui sont exposés. Au bout de quelques minutes il parvient à faire vibrer l'instrument comme il se doit, au grand étonnement du tenancier de la boutique.

En début d'après-midi, après 200 kilomètres de route, nous arrivons dans une ville implantée au milieu de l'Outback, au milieu du désert comme disent les Australiens. Nous sommes à Alice Springs, le centre géographique du continent australien. La ville fut fondée pour servir de relais télégraphique entre Adélaïde et Darwin. La station télégraphique fut construite à proximité d'une source d'eau qu'on nomma Alice Springs en l'honneur de l'épouse du responsable des télégraphes.

Mercredi 8 avril 2009, à Alice Springs se trouve la plus grande salle de classe au monde. Elle couvre une superficie de 1300000 km², soit dix fois la superficie de l'Angleterre. Il s'agit de la Alice Springs School Of the Air (ASSOA). Cette école radiophonique fut crée en 1951 à l'initiative de Mme Miethke, soucieuse du manque de contacts sociaux que devaient avoir les enfants vivants dans des endroits isolés et espérant apporter également une éducation à ces enfants. Etant administratrice dans le Royal Flying Doctor Service, elle avait reconnu dans la communication par radio un excellent moyen pour réaliser son projet. La dernière leçon radiophonique fut diffusée fin 2005. Depuis 2003, l'enseignement à distance se fait par le biais de l'internet via satellite.



C'est une école publique et donc subsidiée par l'Etat. Ainsi, l'école peut fournir à chaque élève le matériel satellitaire et informatique d'une valeur entre 10 000 et 15 000 AU$ (entre 5000 et 7500 euro). Les élèves vivent dans des domaines d'élevage de bovins, dans des communautés aborigènes, dans des installations touristiques, dans des parcs nationaux et dans des bases militaires, ou ils voyagent tout simplement avec leur famille.

Au centre situé à Alice Springs, nous pouvons voir la "classe" de l'instituteur. C'est impressionnant. Celui-ci dispose de deux ordinateurs et de trois caméras, l'une braquée sur le prof même, l'autre vers un coin de la salle et une troisième est placée verticalement au-dessus d'un grand bureau blanc d'où l'instituteur peut montrer des dessins, des bricolages, de la calligraphie et autres.



Tous les jours, à une heure fixe, chaque élève d'une "classe" s'installe derrière son ordinateur à la maison et ils ont un cours d'une heure avec leur instituteur et les autres élèves. Chaque enfant voit son professeur sur son écran. S'il veut poser une question il lui suffit de cliquer sur un bouton. Le prof, installé à plusieurs centaines de kilomètres, voit sur son ordinateur l'icône, correspondant au nom de l'enfant, clignoter. Lorsque le professeur clique sur cet icône, l'enfant peut parler dans son micro et poser sa question. Après cette heure de cours, chaque enfant travaille encore quatre heures chez lui dans ses livres scolaires, avec un tuteur (généralement un des parents). Une à deux fois par mois l'instituteur envoie un colis à chaque élève. Dans ce colis se trouvent les devoirs corrigés, de nouveaux devoirs, des cahiers, des livres de la bibliothèque, etc. Ces colis sont généralement envoyés par avion ou apportés par un road train qui passe dans "le coin".

L'instituteur rend visite à chacun de ses élèves une fois par an. Il passe la journée avec l'enfant et le tuteur. Lorsque le domicile de l'enfant est trop éloigné, l'instituteur y passe aussi la nuit.

L'école d'Alice Springs organise également trois à quatre fois par an une réunion d'une semaine pour tous les enfants. Ainsi, les élèves peuvent se rencontrer en chair et en os, passer de bons moments ensemble, sans oublier la matinée de cours dans une "vraie" classe.

L'école de téléenseignement d'Alice Springs se classe dans le 10 % supérieurs sur l'échelle du système éducatif du Territoire du Nord. 
Nous sommes bluffés par l'organisation de cette école hors du commun!

Yann et Pauline se rendent compte que leur cas actuel est semblable. Sauf qu'ils n'ont que deux heures de cours par jour... et que les animateurs radio ne sont que maman et papa...

La visite nous a passionnée. Nous démarrons à présent le moteur de notre "school of the road" et mettons le cap vers l'ouest d'Alice Springs où s'étendent les montagnes et les nombreuses gorges des West Mc Donnell Ranges.

Du jeudi 9 au samedi 11 avril 2009, la chaîne montagneuse appelée "West Mc Donnell Ranges" s'étend sur 161 kilomètres à l'ouest d'Alice Springs. Pendant ces trois jours, nous visitons les nombreuses gorges et "trous" d'eau façonnés depuis des milliers d'années par le vent et l'eau. Ces lieux ont une importance spirituelle pour les Aborigènes Arrernte. Leurs histoires et leurs "dreaming tales" ont une telle importance qu'elles ne sont pas dévoilées au grand public.



Parmi tous les sites que nous voyons: Simpsons Gap, Standley Chasm, Ochre Pits, Ormiston Gorge, c'est cette dernière qui nous séduit le plus. Nous y effectuons une jolie promenade qui nous mène dans un premier temps au sommet de la gorge et ensuite nous plongeons dans un lit de rivière sec où subsistent des trous d'eau et poussent des eucalyptus aux troncs si blanc qu'ils sont appelés "Ghost Gums".



Effectuant cette randonnée en fin de journée, nous avons la chance d'y voir des "rock wallabies" sautillant sur les flancs abrupts de la gorge. Ils sont dans leur habitat naturel, ils adorent les rochers. Tout comme Yann et Pauline, qui trouvent que la promenade d'une heure et demie est trop courte.



Au Simpson Gap nous apprenons un peu plus sur l'utilité de certains arbres pour les Aborigènes. Le "Mulga" (Acacia Aneura) est un arbre important. Son bois est utilisé pour la fabrication d'ustensiles et d'armes (entre autres lances et boomerangs), ses graines sont une source de nourriture importante, ainsi que les fourmilles à miel (honey ants) qu'ils trouvent en creusant un trou près du tronc. Aux creux des racines du Witchetty Bush (Acacia Kempeana), les Aborigènes trouvent d'énormes vers blancs mangés crus ou grillés sur le feu. Le jus du Desert Bloodwood (Corymbia Graca) est traditionnellement utilisé comme produit antiseptique. Nous découvrons ainsi l'utilité de quatorze plantes. C'est une promenade fort enrichissante et les enfants sont émerveillés par la capacité des Aborigènes à utiliser les produits de la nature.



Sur le retour vers Alice Springs, nous embarquons une autostoppeuse. Elle termine sa randonnée de 7 jours dans les Mc Donnells. En cours de route elle nous raconte qu'elle possède trois chameaux avec lesquels elle a traversé le désert d'Alice Springs à Shark Bay (sur la côte ouest). Son chapeau en feutre troué abrite en permanence une quinzaine de mouches et des effluves nauséabondes se répandent dans Idéfix. Elle traverse les plaines seule. Ses mains et ses doigts ont la taille de ceux d'un bûcheron. Nous ne sommes même pas certains qu'elle ait une tente avec elle. La conversation est sympathique et nous ne sommes pas mécontents d'avoir fait connaissance d'une randonneuse en tongs...

Dimanche 12 avril 2009, Joyeuses Pâques! Les cloches sont passées cette nuit. Ou est-ce le lièvre de Pâques? Ou encore le Bilby? Le Bilby est un rongeur bien d'ici que les Australiens tentent d'imposer en tant que remplaçant du lièvre. Les lièvres et les lapins ayant causé ici trop d'ennuis par le passé. Sur le camping d'Alice Springs des enfants sortent de leurs caravanes et distribuent des chocolats à tout le monde souhaitant un "Happy Easter" avec de larges sourires.



Ayers Rock, le fameux rocher rouge, dont le nom officiel est à nouveau son nom aborigène "Uluru", se trouve à 430 kilomètres d'ici, en plein désert australien. Idéfix roule bon train. Il n'y a que deux carrefours et pas de feux rouge. Le premier coup de frein est donné à l'heure de la pause déjeuner sur un roadhouse, le deuxième à l'arrivée à Yulara où se trouve le campement à proximité d'Uluru. Nous y sommes! Nous voyons des bus et des camping-cars se précipiter vers le parc national pour le coucher du soleil. Quant à nous, trop exténués par le voyage et la chaleur, nous prévoyons notre rencontre avec le rocher pour demain. Le réveil et réglé à 5h30, pour le lever du soleil sur Uluru.



Lundi 13 avril 2009, en nous approchant de ce site à la lueur des premiers rayons du soleil, nous sommes subjugués par sa taille et sa présence si étrange au milieu de ces plaines planes de l'Outback. Sept heures du matin, le soleil se lève sur le rocher rouge d'Uluru. Sous l'éclat du soleil, le monolithe le plus photographié d'Australie n'échappe pas non plus à nos objectifs. Il ressemble à un gros morceau de charbon rougeoyant émergeant de la terre aride. L'on pourrait penser que l'image trop souvent représentée de Ayers Rock n'est qu'un simple cliché d'une destination devenue fort touristique. Pourtant, la beauté naturelle et la valeur sacrée qui émanent de ce bloc de pierre nous laissent rêveurs. D'autant plus merveilleuses sont les impressions que nous offre le rocher lorsque nous nous en approchons. A la fraîcheur du matin, nous nous promenons à son pied, à l'ombre de ses parois arrondies mais néanmoins rugueuses et sous les arbres qui l'entourent.



Nous y découvrons les traces de très anciennes peintures aborigènes, l'histoire du dreaming d'une maman python ainsi que du groupe de wallabies attaqués par un monstre pour avoir refusé d'assister à une cérémonie "corroborée".

Faisant le tour du rocher, il nous semble que celui-ci change d'aspect continuellement. Le jeu de lumière et des courbes sur la croûte rouge du rocher sous le ciel d'un bleu profond est spectaculaire.

En fin d'après-midi, le ciel se couvre un peu et un gros nuage obscurcit le soleil au moment où il se couche. C'est pas l'idéal pour la photo, mais le moment n'en reste pas moins magique.


Bob Randall, écrivain du livre " Songman, The story of an aboriginal elder" décrit joliment le lever et le coucher du soleil sur ce lieu sacré:


"In the early morning as the Sun rises to warm our other mother, the Earth, it glows molten red, then golden as the sun climbs high into the sky. During the day, the vast, brilliant blue, desert sky shimmers with heat, even in the winter. At sunset, as the night rises from the eastern skyline, Uluru slowly changes its gown for its night dress, a deep purple dissolving into the beautiful blackness of the night. At this time, my country is brilliant with stars, the campfires of our ancestors, the spirit people of the sky."


De nombreuses histoires, des "songlines", concernant Uluru sont très importantes et gardées secrètes car trop sacrées. Nous avons trouvé une partie d'une de ces histoires dans le livre: "Songman, The story of an aboriginal elder", écrit par Bob Randall, membre de la communauté aborigène Yankunitjatjara.


"Il y a longtemps, mon peuple vivait sur une île au nord. La terre tremblait et de nombreux volcans crachaient du feu vers le ciel. Nous appelions tous les oiseaux mangeurs de viande et leur demandions de nous trouver un endroit sûr où aller. Ils partaient à la recherche mais tout était détruit partout. Même la mer se mit en ébullition. Ainsi, nous faisions appel à notre mère, le grand Serpent. Elle nous disait:"Dépêchez-vous, montez sur mon dos et je vous emmènerai vers un endroit sûr." Mon peuple, les Yankunytjatjara, étaient les premiers et grimpèrent derrière la tête du serpent. Elle nous demandait de nous dépêcher car elle sentait son propre corps qui commençait à bouillir. Le serpent nageait à travers l'océan bouillant. En plongeant dans la mer, des parties de son corps se cassaient, entraînant des hommes. Ceux-ci devinrent les îles situées entre l'Australie et le Japon. Un aigle arrivait en volant et racontait au serpent qu'il avait trouvé un endroit, loin dans le sud où tout était calme. A ce moment, le serpent n'avait plus que sa tête et ses épaules portant le peuple Yankunytjatjara. Tout le reste était tombé dans la mer bouillante. Le serpent nageait vers le sud, trouvait la partie nord de l'Australie et continuait vers le sud jusqu'à ce qu'elle arrivait à une grande baie. C'est là que mon peuple a continué sa vie. Uluru est la tête de la mère serpent qui nous a sauvés de ce terrible moment de destruction et nous a transporté là où nous vivons maintenant."



Mardi 14 avril 2009, The Olgas, appelé à nouveau depuis quelques années les "Kata Tjuta", est également un lieu de haute importance pour les Aborigènes. Certains scientifiques pensent que les différents dômes des Kata Tjuta formaient auparavant un tout. Si c'est le cas, tous ces dômes rassemblés auraient formés un monolithe plus grand que celui d'Uluru.



Une randonnée permet aux visiteurs d'en voir une grande partie. C'est la partie centrale de cette promenade, Valley of The Winds, qui est la plus impressionnante. Le sentier étroit sillonne entre les parois élevées des Kata Tjuta et nous emmène au fond d'une vallée où les couleurs vertes des arbres côtoient le rouge des rochers.



Grâce au réservoir d'eau, installé par les rangers, nous pouvons remplir nos gourdes et poursuivre la randonnée. Cette fois, nous ne rencontrons pas d'araignées mais de jolie oiseaux au bec rouge.



Le sentier monte petit à petit. Quelques centaines de mètres plus loin nous nous trouvons au milieu d'une gorge et nos regards plongent vers une autre vallée formée entre ces énormes rochers rouges. Il règne un calme extraordinaire et une légère brise vient nous rafraîchir.



Dans les livres consacrés à l'art aborigène nous lisons que de nombreux artistes vivent dans des communautés installées près d'Uluru et de Kata Tjuta. Mais nous n'en verrons rien. Ces communautés vivent vraiment cachées et essayent tant bien que mal de se protéger de la culture des blancs, trop différente et incomparable à la leur. De temps en temps, nous devinons qu'une des pistes quittant la route principale mène vers leur village. Les Aborigènes que nous avons croisés jusqu'à présent sont ceux errant dans les villes ou près des roadhouses. Contrairement à ce que nous avions lu et entendu, nous n'en voyons pas beaucoup avec une bouteille d'alcool à la main. Il est vrai que le gouvernement du Territoire du Nord est très sévère quant à la consommation d'alcool en public. Lors de chaque achat d'alcool, il faut d'ailleurs remettre une pièce d'identité et tout achat est enregistré. L'Etat peut donc surveiller la consommation d'alcool de chaque individu. La consommation et la détention d'alcool sont également strictement interdites en territoires aborigènes, mais ceci est une loi aborigène. Avant l'arrivée des blancs les Aborigènes ne connaissaient pas l'alcool. Aujourd'hui, tant la consommation d'alcool que le reniflement des gaz
de pétrole sont un moyen pour les Aborigènes "perdus", "paumés", sans travail et loin de leur communauté d'origine,  d'oublier leur malheur, de fuir la réalité.
Grâce aux musées, aux centres culturels et aux livres nous apprenons petit à petit à mieux comprendre la culture aborigène, ses croyances, sa psychologie, son histoire, ses souffrances depuis l'arrivée des blancs, son art, etc.

Au début de ce voyage en Australie, nous disions que ce pays n'a pas beaucoup d'histoire, que ce pays est jeune. En fait, c'est faux. L'Australie des "blancs", oui, elle est jeune et d'ailleurs tout leur est prétexte pour nommer quelque chose "d'historique". Mais l'Australie, la vrai Australie, celle des Aborigènes est riche en culture, en histoires, en croyances et en art. Les Aborigènes seraient le peuple le plus ancien de la Terre.

Jeudi 16 avril, une dernière visite de peintures rupestres aborigènes aux East Mc Donnell Ranges nous déçoit quelque peu. Ensuite, nous quittons cette région mythique et nous roulons vers le nord. La route est appelée "Stuart Highway" en l'honneur de l'explorateur qui réussit à traverser toute l'Australie du sud au nord après une longue et lourde expédition. Nous passons la nuit à Barrow Creek, à l'arrière d'un petit pub. Au fur et à mesure que le soleil se couche, les voitures s'entassent dans tous les sens autour du seul poteau auquel on peut brancher son câble électrique. Pour arriver aux douches il faut suivre un dédale de couloirs défraîchis où gisent sauterelles, cafards et autres petites bêtes. Les douches mêmes sont dignes des plus délabrées que nous avons eues en Amérique Latine. Mais avec cette chaleur, elles nous font un bien fou, tout comme la bière bien fraîche servie dans le pub.



Vendredi 17 avril 2009, en route, nous repassons par l'intersection "Three Ways" où les routes venant de la côte est, celle du nord (Darwin) et celle du sud (Alice Springs – Adélaïde) se rejoignent. Nous y sommes passés il y a quelques jours, lorsque nous venions de l'est. Aujourd'hui, nous y suivons la direction sud-nord. Ce soir, nous installons notre bivouac à Banka Banka Station. Celle-ci fait partie de la grande propriété d'élevage de bovins nommée Kidman Cattle. Le domaine possède 60.000 têtes de bétail. Cette partie de la ferme n'est plus fonctionnelle et ils en ont fait un lieu de repos pour les voyageurs. La compagnie a encore deux autres "stations" très actives. Les cowboys, appelés "stockmen" ou encore "jackaroos" gèrent les troupeaux soit à cheval, en moto et même en avion! Le petit film diffusé ce soir est intéressant et nous permet de mieux réaliser l'ampleur du travail et de la gestion de ces fermes australiennes.

Samedi 18 avril 2009, 300 kilomètres de route. Arrêt vers 13 heures à hauteur d'une roadhouse comme d'habitude. Le temps de garer Idéfix à l'ombre, nous avons tout de suite senti être arrivés à un endroit pas comme les autres. Nous sommes à Daly Waters. Son pub est qualifié de "historique". Devant la porte est garé une caravane de fabrication artisanale, tirée par un vieux bus. Nous la reconnaissons tout de suite pour l'avoir dépassée sur la route il y a deux jours. Déjà qu'il est assez rare de devoir effectuer des dépassements sur ces routes, cette caravane de plus, ne passe pas inaperçue. Elle semble sortie tout droit d'un dessin animé des Flinstones. Elle est décorée de peintures et d'inscriptions complètement décalées, possède une cheminée en tôle et porte de vieilles casseroles et guitares qui pendouillent à des bouts de ficelle sur les flancs.



Dans le pub, des tas d'objets kitchs ornent les murs et le bar. Aux murs sont épinglés de centaines de billets de banque de tous les pays, d'anciens permis de conduire, de vieux t-shirts, des soutiens-gorge, etc. Dans la cour intérieure est planté "un arbre à tongs", un poteau où les visiteurs peuvent pendre leurs vieilles savates usagées.



Nous décidons de prendre le souper au pub. Ca risque d'être folklorique. Le menu est très simple: nous avons le choix entre un "barra" (le barramundi est un grand poisson d'eau douce vénéré par les fanatiques de la pêche) ou une pièce de bœuf au barbecue. Nous prendrons les deux, autant goûter aux deux "spécialités".

Sur une petite estrade à côté de notre table, un artiste se prépare pour lancer son spectacle. Nous reconnaissons le bonhomme. C'est le propriétaire de la caravane déglinguée garée devant le bar. Son nom de scène est Frank the Chookman. Avec sa guitare sur les genoux et ses deux bébés aigles sur la tête, assis devant un décor en carton illustrant la carte d'Australie, il nous chante quelques chansons bien australiennes et met de l'ambiance dans la salle.



Difficile à dire si Yann et Pauline sont subjugués par le spectacle ou par les deux petits aigles tout dodus. Ils n'hésitent pas à monter sur la scène lorsque Frank les appelle. Mais comme les enfants ne comprennent pas trop bien l'anglais et encore moins le "slang" australien, son petit numéro avec les enfants rate complètement, au grand plaisir des spectateurs.... et de Yann et Pauline car ils sont récompensés de leur effort par une glace.

L'ambiance bon enfant est délicieuse et nous passons une excellente soirée. Soirée, dont nous laissons une empreinte au pub en léguant une de nos tongs à l'arbre à tongs.



Demain, nous partons vers le nord, le Top End.