Retour à la vie de tous les jours! (Belgique) - 19/06/2009 au 30/09/2009

Vendredi 19 juin 2009, nous quittons l'Australie, ce superbe pays que nous avons sillonné pendant 9 mois. Nous montons dans l'avion avec un pincement au cœur car nous savons qu'une page importante de notre vie se tourne. L'aventure n'est pas tout à fait terminée, mais elle prend un énorme virage, nous retournons vers notre vie "d'avant".

Le nez collé au hublot, nous regardons les côtes australiennes s'éloigner de nous. Pendant ces 24 heures de vol, nous avons tout le temps pour faire le point sur les deux années que nous avons passées en famille tout au long de cette fabuleuse aventure. Cependant, l'excitation du retour imminent ne laisse pas la place aux rêveries du temps passé. Bientôt, nous allons revoir nos familles et nos amis. Nous n'allons pas seulement les revoir et les serrer bien fort dans nos bras, mais nous allons nous réintégrer dans leurs vies. Nos familles et amis feront à nouveau partie de notre vie de tous les jours. Plus besoin de s'envoyer des emails ou de fixer des rendez-vous sur skype pour communiquer, ils seront là en chaire et en os.

Comment allons-nous vivre les premiers jours en Belgique? Comment sera la maison que nous avons louée pour une période de dix mois, le temps de récupérer la nôtre? Qui pourra nous aider pour le déménagement? Les enfants pourront-ils reprendre leur scolarité comme si rien ne s'était passé? Qu'allons nous faire d'Idéfix une fois qu'il sera de retour en Belgique? Comment vont réagir nos collègues de travail lorsque nous reprendrons nos métiers respectifs? Voilà les questions qui occupent vaguement notre esprit sans pour autant nous tourmenter. Notre retour est programmé. Dans quelques mois nous habiterons la même maison qu'avant, nous retrouverons les mêmes métiers, les enfants retrouveront la même école, les mêmes clubs de sport, nos familles et amis seront toujours là. Et nous, aurons-nous changé?

Nous rentrons au pays, alors que l'Europe patauge dans une crise financière qui fait des ravages. Est-ce que nous serons crédibles si nous balançons autour de nous des "tranquillo" argentins ou des "No worries" australiens? Combien de temps pourrons nous rester "zen" nous-mêmes sans tomber dans l'engrenage de la vie et des tracas de tous les jours?

Quelles que soient les réponses à ces questions, que seul le temps peut donner, nous sommes certains d'une chose: rien ni personne ne pourra nous enlever l'expérience fabuleuse que nous avons vécue. A lui seul, le souvenir du voyage nous donnera toujours un énorme sentiment de satisfaction.

Samedi 20 juin 2009, pour l'heure, l'excitation est à son comble. Nous descendons du TGV en gare de Lille, et guettons le quai tout en déchargeant le train de nos valises, sacs à dos, planches de bodysurf, koala et kangourou en peluche et le didgeridoo de Yann. Nos parents respectifs sont venus nous accueillir et se retrouvent tous les quatre avec l'un de leurs enfants ou petits-enfants dans les bras. Une fois l'écoulement d'intenses émotions passé, nous tentons de rassembler nos bagages éparpillés sur le quai. "Et voilà …", c'est la seule chose que nous trouvons à dire pour signifier que notre retour est définitif, que finalement, ce n'était pas si long que ça et que nous mangerions bien quelque chose autour d'une grande table, entourés de tout ce beau monde. Christophe et Delphine nous font la surprise de nous rejoindre pour le repas, accompagnés de leurs 3 enfants, les cousins qui ont tant manqués à Yann et Pauline.



Mardi 23 juin 2009, hier nous avons finalisé l'organisation de notre emménagement dans notre maison provisoire, où nous vivrons une dizaine de mois, le temps que nos locataires libèrent notre propre maison. Ce matin, nous prenons notre petit-déjeuner tranquillement, sous un soleil radieux, lorsque le facteur sonne à la porte pour nous apporter une lettre recommandée. Coup de théâtre! La lettre provient de nos locataires qui nous signifient qu'ils désirent résilier leur bail de location avant son terme! Faut-il en rire ou en pleurer? Subitement, nous nous rendons compte que nous allons récupérer notre propre maison bien plus tôt que prévu! Mais en même temps, nous nous retrouvons avec deux maisons sur le dos! La surprise est de taille. Difficile dès lors de rester "tranquillo" tout en sirotant un dernier café et en profitant du beau temps qui règne sur la Belgique. Nous passons le restant de la journée à passer des coups de fil, des fax et des emails afin de régler au plus vite cette situation épineuse.

Le lendemain matin, la situation semble s'être arrangée. Le soleil brille toujours et nous faisons déjà nos projets pour réintégrer notre doux foyer dès qu'il se libérera. Et pendant ce temps, Idéfix, notre maison roulante, vogue sur les eaux de l'Océan Pacifique.

Jeudi 2 juillet 2009, nous avons rendez-vous à l'école de Yann et Pauline. Ils doivent y faire un petit test afin que l'école puisse évaluer s'il peuvent commencer l'année scolaire dans leurs classes respectives. Ils passent le test avec brio. La coordinatrice de l'école nous annonce que Yann et Pauline sont très clairement à niveau pour entrer dans les classes qui correspondent à leur âge. Sauf Pauline qui, ayant sauté une année de maternelle pendant le voyage, pourra directement entrer dans une classe où elle sera forcément la plus jeune. Nous en profitons pour remercier l'école pour tout le soutien qu'elle nous a donné, avant, pendant et après le voyage. Les enfants explorent leurs nouvelles classes et commencent juste maintenant à se rendre compte qu'ils y passeront bientôt huit heures par jour. Mais ce dont ils ne se rendent pas encore compte aujourd'hui, parce qu'on est en période de vacances, c'est que bientôt ils seront entourés de dizaines de copains de classe.

Vendredi 3 juillet 2009, Sophie a la confirmation qu'elle pourra reprendre son poste de logopède (orthophoniste) dès le mois de septembre. Damien reprendra déjà son boulot à la mi-juillet. Apparemment, il y a du pain sur la planche. Si les collègues l'ont autorisé à partir en vadrouille pendant deux ans, il peut difficilement leur refuser de revenir dès que le boulot appelle.

Samedi 4 juillet 2009, nous passons les mois d'été à rendre visite à nos amis, à participer à toutes les fêtes de famille, à sélectionner nos photos de voyage pour en faire un album, à faire de la voile, à trouver une voiture, à organiser notre déménagement, à travailler, à jouer des jeux de société avec les enfants, et … à prendre des vacances. Eh oui, difficile de refuser un petit séjour à Saint-Emilion, à la côte belge ou en Bretagne dès lors que c'est la famille qui nous appelle. Nous avons encore tant de choses à nous raconter … et du bon temps à passer ensemble.



Dimanche 30 août, la rentrée est dans deux jours. Et aujourd'hui, nous réintégrons notre maison. Nous embarquons quatre matelas et sélectionnons une dizaine de caisses en carton dont nous espérons qu'elle contiennent l'essentiel de notre service à petit déjeuner et quelques casseroles, histoire de pouvoir passer la première semaine d'école sans avoir à faire le grand déménagement. De toute façon, on a l'habitude de camper ...

Par ailleurs, nous tenions à dire un grand merci à maman et papa Holvoet de nous avoir hébergés durant l'été!

Mardi 1 septembre 2009, c'est la rentrée. Les enfants bouclent leur cartable. Il n'est plus question de traîner lors du petit-déjeuner. L'école commence à l'heure! Bonne journée les enfants. Et n'oubliez pas de lever le doigt si vous voulez demander quelque chose, de ne boire de l'eau que lors de la récréation, de passer aux toilettes avant d'entrer en classe, de...



Lundi 7 septembre 2009, Pauline a un peu de mal à s'adapter au système scolaire. Elle a besoin de temps pour trouver ses repaires: elle se perd dans les couloirs de l'école et a surtout peur de mal faire. Un soir, en rentrant de l'école, elle nous demande même si elle a le droit de se moucher le nez en classe... Sophie la rassure et tente avec patience de lui expliquer qu'elle aura besoin de quelques semaines pour s'habituer à l'école, mais que très bientôt, elle s'y amusera comme une folle. Yann par contre, se régale. Il parle tellement de ses copains et des parties de foot, que nous nous demandons s'il pense aussi à rester concentré sur ses cours.

Dès cette première semaine de septembre, nous nous sommes tous les quatre plongés dans cette vie active si typique de notre pays: école, travail, courses, lessives, visites médicales, devoirs, mais surtout aussi le sport. C'est très simple, nous jouons tous les quatre au hockey... mais pas le même jour, ce serait trop simple...



Samedi 12 septembre 2009, le camion de déménagement est plein à craquer, aujourd'hui nous ramenons à la maison toutes nos caisses que nous avons emballées et fermées il y a plus de deux ans. Mais comment avons-nous bien pu accumuler toutes ces choses? Lorsqu'on a vécu dans 15 mètres carrés pendant deux ans, il devient difficile de concevoir qu'on ait un jour eu besoin de tant de babioles. Qu'à cela ne tienne, les caisses s'entassent dans notre maison et nous nous contentons de déballer le stricte nécessaire pour l'instant. Par contre, les enfants se jettent sur toutes les caisses qui leurs sont destinées. Ils ont beau avoir appris à lire en Néerlandais, il ne leur faut pas beaucoup d'effort pour pouvoir déchiffrer l'inscription "Jouets" sur les caisses qui les intéressent. Ils déballent tout et mettent d'emblée un désordre épouvantable dans toutes les pièces de la maison. Ils vont même jusqu'à jouer avec les jeux de bébé qu'ils n'avaient plus vus ni touchés depuis si longtemps. Leur excitation est si émouvante que nous les laissons faire, bien évidemment.



Lundi 21 septembre 2009, les enfants s'épanouissent à l'école. Leurs résultats sont excellents. Dès que l'un d'eux rentre à la maison en brandissant un 10/10 pour une dictée ou un 15/15 pour un test de calcul, nous nous regardons avec fierté. Nous ressentons un certain soulagement également. Car si le but de notre voyage était bel et bien de passer du temps en famille, il n'en demeure pas moins que ce sont nous, les parents, qui avons en quelque sorte arraché nos enfants aux structures conventionnelles. Le challenge pour nous était de nous assurer qu'ils puissent y revenir dès que notre voyage se terminerait. Aujourd'hui, il semblerait que nous avons réussi ce challenge. Pourvu que nous puissions le confirmer en fin d'année scolaire...

Mercredi 30 septembre 2009, Idéfix est arrivé au port d'Anvers. Un docker vient le déposer à la sortie du parking du quai hautement sécurisé. Il est en parfait état. Quel soulagement. Le docker insiste pour que nous laissions tourner le moteur, car la batterie aura sans doute besoin d'un fameux coup de recharge. Damien passe au bureau des douanes afin de faire signer le carnet de passage en douane du véhicule, histoire de pouvoir fournir une preuve que le véhicule est bien rentré en Belgique. C'est la pause déjeuner, il va falloir attendre que les bureaux s'ouvrent, à 13h00. Bon, soit, on en a vu d'autres. A 13h00 l'employée des douanes semble perturbée par le document que nous lui présentons. Elle consulte ses collègues, puis fais quelques recherches sur internet. Au bout d'une demi-heure elle revient vers nous et nous demande comment cela se fait que le véhicule ait quitté l'Australie le 11 juin, et que nous ne le présentons en Belgique que le 30 septembre. Nous lui répondons qu'il a passé tout ce temps sur le bateau. "Quoi, il a passé 3 mois et demi en mer? C'était quoi ce bateau, un pédalo?" La douanière finit par nous croire et promet de faire suivre les papiers un peu plus tard lorsque son supérieur aura donné son aval sur cette situation apparemment très originale. Cependant, Idéfix est libre de partir et de reprendre les routes de Belgique. Damien s'installe au volant, mais … Idéfix ne démarre pas. Il a suffit d'une heure de palabres dans le poste de douane pour que la batterie décide de ne plus rien donner du tout. Nous sommes obligés de faire appel aux dépanneurs du port afin de donner un petit coup de charge à la batterie.

Et puis, en route. Idéfix rentre à la maison.

Epilogue

A l'heure où Idéfix passe sa première nuit sur notre parking, nous sommes déjà en plein milieu du train de vie habituel. Pourtant, nous avons franchement l'impression que notre vie de nomade nous a apporté une grande richesse. Beaucoup de souvenirs bien-sûr, mais sans doute aussi un nouveau regard sur la vie "à l'européenne". Même si nous reprenons nos métiers et activités avec autant d'enthousiasme qu'avant, nous ne pouvons nous empêcher de réaliser que nous regardons les choses un peu différemment, avec plus de recul. Nous avons l'impression de moins nous exciter sur les détails, mais d'attacher plus d'importance à l'essentiel.

Dans les magasins, nous nous rendons compte que nous gardons spontanément le sourire, même lorsque le vendeur en face a une mine grise à nous faire peur.
Il aura fallu 3 semaines pour faire installer une ligne internet à la maison. Pour sûr que ça irait plus vite en Argentine, car il suffirait là-bas de bavarder amicalement avec l'un des responsables ou de dégoter une petit bricoleur qui pourrait arranger les choses en dehors de ses heures de travail, pourvu qu'il y ait un steak sur le grill.
Dans notre entourage, tout le monde nous interroge sur notre aventure, sur notre retour, sur nos projets à venir. Mais par moment, nous n'osons plus trop répondre en long et en large, de peur d'ennuyer ou de déranger. C'est vrai que pour nous, l'aventure était tellement incroyable, qu'il nous semble difficile de transmettre notre enthousiasme aux autres, qui eux, souvent préfèrent vite reprendre la conversation classique sur la politique belge, le foot ou la crise financière. Chacun son truc. Nous ne leur en voulons pas.

Avant de partir en voyage, nous pensions être des précurseurs en installant un panneau solaire sur le toit d'Idéfix pour assurer une autonomie de batterie. Depuis notre retour, nous constatons que les panneaux solaires sont maintenant installés sur beaucoup de toits de maisons. La question climatique et énergétique semble être arrivée aux oreilles et aux factures d'électricité de tous les concitoyens.

En deux ans, nous avons manqué de nous faire 350 copains sur un site qui s'appelle facebook, et nous avons dû faire des recherches pour comprendre ce qu'était Twitter. Nous ne sommes vraiment pas dans le coup. Mais ce coup-là, avouons-le, nous ne le regrettons pas du tout!

Les enfants, qui pendant deux ans ont joué au monopoly, ont fait des bricolages avec des bouteilles en plastic et fait des arcs à flèche avec des branches d'arbre, qui n'ont cessé de faire des constructions, des dessins, de lire tous les jours, de s'émerveiller devant la beauté de notre terre, sont confrontés aux phénomènes qui font rage sur la cour de récréation de l'école. Ils aimeraient bien être dans le coup, eux, et avoir les mêmes choses que leurs copains de classe. Là, la lutte risque d'être dure, mais nous tenons bon et finalement, les enfants aussi.

Aujourd'hui, c'est la même question qui revient systématiquement:"Alors, pas trop dur le retour?" Les gens semblent très étonnés lorsque nous leur répondons que le retour se passe à merveille et pour cause, la Belgique n'a pas changée, nous retrouvons nos familles et nos amis et nous reprenons exactement la même vie qu'avant: même maison, mêmes boulots et même école!
En quelque sorte, nous avons juste fait un break extraordinaire de deux ans avec nos enfants. Finalement, en y réfléchissant bien, il y a une différence par rapport à la même vie d'avant: aujourd'hui, nous avons la tête et le cœur remplis de souvenirs intenses et uniques.



Pendant ces deux années de voyage nous vivions dans un autre monde, dans un monde presque idéal. Transposer ce monde, cette manière de vivre et ces sentiments, dans l'univers occidental est impossible car la mentalité est trop différente, l'influence de la société est trop importante. Certes, il est toujours possible de faire ses propres choix, de voir les choses d'une certaine manière, mais l'influence de la société et des médias est là.

Le plus difficile, mentalement, est de savoir que nous exposons nos enfants à ces influences négatives, aux médias qui ne reflètent que des histoires horribles, à cette société trop compétitive et calculatrice, à la méchanceté gratuite.
Aujourd'hui, un de nos souhaits les plus sincères est que les sentiments de liberté, d'insouciance, de bonheur intense, de partages et de découvertes resterons éternellement dans le cœur de nos enfants et que ceux-ci les aideront à grandir, à faire face aux difficultés auxquelles ils seront confrontés et que ces sentiments les guideront dans leurs choix.

Dans la maison, les cartons qui n'ont pas encore été ouverts resteront sans doute fermés quelques temps. Il n'y a rien qui presse. Les activités de tous les jours prennent le dessus. Il faut à nouveau courir dans tous les sens. Mais nous essayons de trouver quelques moments de répit, et de garder l'esprit "zen". Nous nous étions jurés de ne pas passer nos soirées devant la télévision, mais parfois les journées sont si intenses et si épuisantes, qu'il est bon de se plonger dans son fauteuil.

Il y a un film que nous voudrions absolument regarder. C'est un film qui montre des images extraordinaires de la planète, des paysages colorés à couper le souffle. C'est un film qui parle de rencontres chaleureuses et de choses simples, tout en montrant les merveilles de la nature. Un de ces soirs, lorsque nous serons confortablement installés dans le salon avec un verre de vin et un petit morceau de chocolat, nous tenterons une petite évasion en regardant ce film. Il s'intitule: "Au plaisir d'emmener nos enfants à la découverte du monde."